Le 10 février 2016
La relation entre le collectionneur et l’institution
Lieu d’échanges entre artistes, collectionneurs et amateurs d’art, Art Up propose aussi des conférences thématiques. Quelle est la relation entre le collectionneur et l’institution ? On en parle avec Michel Poitevin, fondateur et directeur de Creed, une entreprise lilloise d’études de marché, Isabelle de Maison Rouge, historienne de l’art et Sophie Lévy, directrice-conservatrice du LaM.
A l’origine du musée, une collection. « Nous devons notre existence aux collectionneurs », lance Sophie Lévy, directrice-conservatrice du musée d’art moderne, d’art contemporain et d’art brut (LaM) depuis 2009. Pourtant, rares sont les musées dont la naissance est liée à une collection. « Au LaM, avant la collection il n’y avait rien. Le premier don de la collection Masurel a été constitué de 400 œuvres, tous des chefs-d’œuvres. C’est ce qui a signé notre lien très fort avec les collectionneurs », se souvient-elle.
Des collectionneurs très présents au sein du musée. « Nous avons instauré un cercle de collectionneurs, qui ne se contente pas d’aider financièrement à l’achat d’œuvres, mais qui propose de découvrir des œuvres et des artistes. En s’impliquant de cette manière, il est fascinant de constater que le travail des collectionneurs rassemblés est très proche du travail des conservateurs. Ils posent un regard sur notre collection pour en comprendre la ligne de force, les enjeux auxquels nous sommes confrontés ainsi que notre responsabilité, jusqu’à parvenir à un choix ».
Une évolution depuis 20 ans. En grand collectionneur, Michel Poitevin a vu les choses évoluer. Il se souvient d’une exposition en 1995, « Passions privées », à l’initiative de Suzanne Pagé, à l’époque conservatrice en chef du musée d’art moderne de Paris. « Cette collection était uniquement constituée d’œuvres issues de collections privées de 1900 à 1985. Selon moi, il y a eu « un après » cette exposition. Susanne Pagé a démontré qu’il existait en France des collectionneurs actifs, dynamiques et entreprenants ». Aujourd’hui, l’institution française et le collectionneur privé sont très liés. Isabelle de Maison Rouge se demande : « Les collectionneurs actifs autour d’un musée participent au financement de ce musée. Mais existe-t-il encore des collectionneurs prêts à faire des dons ? ». « Actuellement, dans la dynamique de la réouverture de notre musée, nous recevons des dons pour l’art brut. Ce qui n’est plus le cas de l’art contemporain ni de l’art moderne », répond Sophie Lévy.
Les collectionneurs, à l’avant-garde. Dans la salle, un auditeur note que de nombreuses œuvres auraient sans doute disparu s’il n’y avait pas eu des collectionneurs pour les collecter. C’est le cas de l’art brut, selon lui, grand oublié des institutions. Pourtant, le travail des collectionneurs en matière d’art brut a été remarquable et bien souvent à l’avant-garde de celui des conservateurs. « Les collectionneurs sont toujours à l’avant-garde. Les nouvelles idées, les nouveaux chemins viennent toujours d’eux, rarement de l’institution », répond Sophie Lévy, qui va plus loin. « Je trouve que le musée est un très mauvais acquéreur. Un musée a tout intérêt à acquérir une collection constituée, qui possède une âme, une vie. Quand un collectionneur veut que sa collection soit là pour toujours, il peut compter sur le musée. Les œuvres finissent toujours par revenir au musée. Nous les attendons patiemment pour leur donner ce supplément d’âme qu’est l’éternité ».
Découvrez la vidéo de la conférence Art Up : « Le collectionneur et sa relation avec l’institution ».