L’abstraction géométrique : un jeune mouvement qui fête son centenaire

Didier Vesse

La très riche et très passionnante exposition Dynamo au Grand Palais à Paris, une rétrospective de l’art géométrique belge au BAM de Mons, la collection permanente d’Auguste Herbin et l’exposition de Dewasne au Musée Matisse du Cateau-Cambrésis et plusieurs expositions sur la thématique au musée de Cambrai… Cette dernière année, l’abstraction géométrique n’a cessé de faire parler d’elle, de se montrer et de démontrer sa vitalité. Ce mouvement artistique qui vient de fêter son centenaire est bien loin de s’essouffler, il semble même bénéficier d’une seconde jeunesse… Il n’a en fait jamais vieilli, se nourrissant de chaque aspect de notre époque pour évoluer et se réinventer.

Je considère pour ma part que l’abstraction géométrique est, par essence, l’un des principaux mouvements de l’art contemporain. Dès 1910, des artistes tels que Kandinsky, Kupka, Mondrian ou Malevitch ont renoncé à la figuration. A la recherche d’une expression universelle, ils ont créé un nouveau langage formel, où la ligne, la forme géométrique et la couleur devenaient par eux-mêmes signifiants. Comme le disait si bien Van Doesburg, fondateur et rédacteur de la revue de Stijl, l’art abstrait est devenu concret « parce que rien n’est plus concret, plus réel qu’une ligne, qu’une couleur, qu’une surface ».

Un langage universel… Né dans le Nord de l’Europe

Si l’art abstrait est un langage universel, il a tout de même une origine géographique. Historiquement, le mouvement prend naissance en Europe du Nord et de l’Est. L’influence d’artistes pionniers de l’abstraction géométrique a dépassé les frontières nationales et a rayonné dans les pays limitrophes comme par exemple Piet Mondrian qui, bien qu’établi aux Pays-Bas, a influencé Pol Bury et Jo Delahaut en Belgique, ainsi que Jean Dewasne à Lille ou encore Guy de Lussigny et 
Geneviève Claisse à Cambrai. Nous avons ainsi dans le Nord de la France un vivier d’artistes, de collectionneurs et de galeristes qui continuent à réinventer chaque jour l’abstraction géométrique. Un véritable patrimoine vivant dont nous pouvons être fiers !
L’abstraction géométrique n’est cependant pas l’apanage unique des artistes européens. Très vite, ce mouvement a reçu un écho dans le monde entier. Plusieurs artistes sud américains s’en sont par exemple emparés et comptent toujours aujourd’hui certains des principaux représentants de ce mouvement.

Du rôle déterminant des galeries et des musées

Le rôle des galeristes a été spécialement déterminant pour encourager cet art en France et lancer de nouveaux artistes. Il y eut bien entendu l’incontournable Denise René qui, dès la fin de la seconde guerre mondiale a défendu des artistes de l’op art tel Vasarely. Dans son sillage, Lahumière fait partie de ces galeries « historiques » qui a mis à l’honneur les « classiques » et les artistes de la plus jeune génération Aujourd’hui, le rôle de ces galeries est plus que jamais déterminant : la galerie Perrotin représente le grand vénézuelin Jesus-Rafael Soto et la galerie Gimpel&Müller rend hommage depuis sa création en 2007 aux artistes contemporains émergents ou reconnus (comme Cruz-Diez) tout en continuant à valoriser les « classiques » comme Léon Zach ou Guy de Lussigny.
Les collections publiques ne sont pas en reste. Encouragés par d’importantes donations, mais également acquisitions, elles offrent une bonne visibilité à l’art géométrique. Les collectionneurs, qu’ils soient scandinaves, allemands, suisses, polonais, hongrois ou français n’ont de cesse de s’intéresser à ce mouvement et ils peuvent parfois faire des donations des œuvres qu’ils ont pu acquérir à l’Etat. Le marché reste plus que jamais dynamique, les classiques peuvent atteindre des prix extrêmement élevés et tous, collectionneurs, galeristes ou musées sont à la recherche du jeune artiste qui sera bientôt incontournable.

L’abstraction géométrique : l’art contemporain par excellence

Portés par les galeristes, soutenus par les collectionneurs, les artistes actuels de l’abstraction géométriques se nourrissent des avancées de notre époque. Chaque technologie devient pour eux un nouveau moyen d’expression, une nouvelle matière qui vient agrandir leurs perspectives. Ils jouent avec les lumières variables et programmables, utilisent des plexiglas qui leur offrent des possibilités de couleurs inégalées, ont recours à des servomoteurs gérés par ordinateurs… Les nouvelles technologies permettent à l’abstraction géométrique de s’étendre et d’explorer encore et toujours de nouveaux territoires. Ce mouvement n’a de cesse de faire évoluer notre regard sur l’art : parce qu’elles ne jouent pas sur des représentations mais sur des lignes, des formes, du mouvement, elles amènent le spectateur à, à observer, analyser, voire bouger… Le spectateur devient acteur de cette œuvre. L’abstraction géométrique est un mouvement artistique qui, par essence, ne cesse de se mouvoir et d’évoluer. Parce qu’il sait jouer avec les attributs techniques et artistiques de notre époque, ce mouvement continuera à vivre avec elle et à nous surprendre… A nous, acteurs du monde artistique, d’aller et d’emmener le plus grand public à sa rencontre !

art-up.com 

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